Un bâtiment protégé, c’est bien. Mais encore faut-il assurer la sécurité sur les routes, sachant que tous les attentats visant des personnalités ont eu lieu en pleine rue, et ont ciblé des véhicules en mouvement ou garés. L’augmentation des demandes sur les voitures blindées n’étonnera donc personne, surtout si elle provient d’hommes et de femmes politiques soucieux de leur sécurité, notamment aux lendemains d’attentats et dans un contexte d’escalade politique. L’importation, la vente et la location de ce type de véhicules se pratique par certaines sociétés au Liban et, depuis quelques années, le blindage des voitures y est également assuré sur place. Ce business est entouré d’un grand secret – nécessairement, puisqu’il touche à une question de vie ou de mort – et devrait être soumis à des règles strictes.
Il n’y a pas qu’un genre de voitures blindées. Celles-ci assurent une protection plus ou moins complète selon le blindage, et préservent contre différents types d’armes (des balles jusqu’aux déflagrations). Selon des informations obtenues auprès d’une société qui importe des véhicules blindés, mais qui est aussi l’une des quatre sociétés locales à pratiquer le blindage sur place selon des standards internationaux supervisés par une société américaine (pour le marché libanais, mais aussi irakien et afghan), il est préférable que le véhicule à blinder soit doté d’un moteur à huit cylindres, parce que le poids augmente considérablement et peut atteindre 650 à 800 kilogrammes.
Le blindage d’un véhicule opéré localement coûte entre 40 et 70 000 dollars, soit moins que le véhicule importé blindé puisqu’il faut en déduire les frais de douane. Beaucoup de modifications doivent être apportées au véhicule en raison du blindage, mais, selon des professionnels interrogés, quand le travail est bien fait, il est quasiment impossible de différencier une voiture blindée d’une autre, similaire, qui ne l’est pas. La société précitée ne pratique le blindage que suivant les niveaux B6 et B7 de sécurité, soit une haute protection contre les balles et contre les explosifs, en utilisant un genre de fer résistant pratiquement à tout. Les véhicules sont testés sur place.
Pour ceux qui le préfèrent, il y a l’option de louer ou d’acheter une voiture blindée, quelle que soit la marque. Les prix de la location varient de 1 500 à 2 000 dollars par jour environ. Les sociétés qui louent sont intransigeantes sur leur droit à connaître l’identité de la personnalité qui devra utiliser la voiture, mais très soucieuses de garder le secret des utilisateurs successifs pour des raisons de sécurité évidentes. Voilà pourquoi la confiance est un élément particulièrement important quand il s’agit de voitures blindées. Les sources interrogées affirment appeler leurs clients tous les deux ou trois jours pour insister sur le fait que le véhicule soit remplacé, au cas où la personnalité serait placée sous observation par d’éventuels agresseurs. La société peut aussi assurer des chauffeurs ayant reçu une formation spéciale.
Pour ce qui est de la vente, les prix varient de 70 000 à 200 ou 250 000 dollars, selon la voiture ou les options. Il va de soi que la police d’assurance est nettement plus élevée dans ce cas. Vu les risques... Les clients sont des personnalités politiques, à l’évidence, mais aussi d’autres personnages connus comme par exemple des artistes, ou encore des civils soucieux de leur sécurité et pouvant se payer un tel joujou. Pour plus de protection, sait-on jamais ?
Une question que se poseront inévitablement tous ceux qui s’intéressent à ce sujet : comment évaluer le degré de protection sachant que dans plusieurs attentats, notamment celui qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et à plusieurs de ses compagnons, les voitures dans lesquelles se trouvaient les victimes étaient blindées. Évoquant cet attentat, une source fait remarquer qu’« aucun blindage ne peut résister à deux tonnes d’explosifs », mais de tels véhicules peuvent protéger de charges explosives moins importantes. Elle ajoute qu’il faut s’assurer qu’il n’y a pas de zones de faiblesse dans la carrosserie, notamment la cabine des passagers qui est supposée être protégée.
« Comme pour tout au Liban, certains clients font plus confiance aux voitures importées qu’à celles blindées sur place, s’insurge cette même source. Or il y a beaucoup d’avantages dans ce que nous faisons. D’une part, nous connaissons les risques et les besoins du pays, nous effectuons des études sur les attentats perpétrés et faisons évoluer notre blindage en conséquence. D’autre part, nous pouvons proposer des véhicules adaptés aux cas particuliers de nos clients, en prenant en compte, notamment, la route qu’ils traversent tous les jours et où ils courent les véritables risques. Le concept même de la voiture blindée permet à la victime d’un attentat de gagner... quelques secondes, qui décideront souvent de sa vie ou de sa mort. Or il ne faut pas perdre de vue que les tueurs sont des professionnels, qui observent leurs futures victimes de près, pas des groupes qui opèrent au hasard. Je peux toutefois promettre aux responsables que de nouvelles technologies sont actuellement en train d’être développées pour mieux les protéger. »
Cette source estime que, heureusement ou malheureusement selon où l’on se place, ce business a de beaux jours devant lui pour au moins cinq ans à venir, au Liban mais aussi dans la région.
Source : L'Orient Le Jour