Les informations relatives au réarmement des milices au Liban, dont le Hezbollah, paraissent de plus en plus préoccupantes, affirme le Secrétaire général dans son dernier rapport sur la résolution 1559, surtout sur fond de persistance de la crise politique autour de la création d'un tribunal international dans l'affaire Hariri.
« Au cours des six mois qui se sont écoulés, le Liban a continué d'être plongé dans l'incertitude politique, le devant de la scène étant de plus en plus occupé par la création d'un tribunal spécial pour le Liban dans le contexte des travaux de la Commission d'enquête internationale indépendante », rappelle le dernier rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur la résolution 1559, destinée à rétablir la souveraineté du Liban.
« On a souvent exprimé la crainte que le statu quo provisoire et précaire qui a été préservé depuis le lendemain de la guerre civile ne risque de s'effondrer, entraînant un réarmement massif et faisant donc réapparaître le spectre d'un nouvel affrontement entre les Libanais », fait observer le Secrétaire général, qui craint au bout du compte « une nouvelle course aux armements au Liban », qui aurait des « conséquences imprévisibles ».
Le rapport souligne les principaux domaines de la résolution 1559 qui restent à mettre en oeuvre, à commencer par le désarmement des milices. Le Secrétaire général rappelle que « le Hezbollah soutient qu'il est en train de renforcer sa capacité et de reconstituer sa présence armée, qu'il est présent dans le sud du Liban au voisinage de la Ligne bleue, qu'il dispose d'une quantité considérable d'armes et qu'il a le droit de transporter ces armes dans le pays pour lutter contre Israël ».
Dans d'autres déclarations publiques, son chef, le Cheikh Hassan Nasrallah, a paru « rejeter l'idée que le Hezbollah soit 'un État dans l'État' remettant en question l'autorité même de l'État libanais ». Il a paru « également subordonner le désarmement de son groupe ('la solution à la question de la résistance') à l'établissement d'un 'État fort et d'une armée puissante' », note le rapport.
« Je constate que l'établissement d'un État fort et d'une armée puissante est la conséquence logique, plutôt que la condition préalable, du désarmement et de la dissolution des milices, de l'intégration de leur capacité militaire dans les forces armées régulières et de leur volonté de participer à la vie politique démocratique », affirme à cet égard Ban Ki-moon.
La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) n'a pas été en mesure de confirmer la présence de milices armées illégales au Sud-Liban. Mais le rapport souligne divers incidents à travers le pays. Ainsi, le gouvernement libanais a informé le Secrétaire général que « le 3 mars 2007, les douanes libanaises avaient arrêté, dans la zone du Mont Liban, un véhicule particulier, et avait saisi 25 Kalachnikovs entièrement neuves, ainsi que six boîtes contenant 700 balles chacune et 50 chargeurs ».
Dans le cadre d'un autre incident, le rapport évoque « une lettre adressée le 20 mars 2007 par la République arabe syrienne au Conseil de sécurité, qui indique que les autorités syriennes ont appréhendé un camion immatriculé en Iraq qui transportait des armes de contrebande ». « Je persiste à croire qu'il est impératif d'assurer la démarcation de la frontière libano-syrienne et son contrôle rigoureux de part et d'autre », affirme le Secrétaire général qui informe qu'il élabore « actuellement un cadre permettant d'évaluer la situation le long de la frontière » et qu'il a l'intention de « dépêcher sous peu, en liaison étroite avec le Gouvernement libanais, une mission indépendante pour évaluer de près la surveillance de la frontière ».
Ban Ki-moon note aussi « que la République arabe syrienne a affirmé qu'Israël envoyait des armes à certains groupes libanais, au sujet de quoi les médias se perdent en conjectures ». « Certaines sources ont également affirmé que d'autres parties de la région et de l'extérieur effectuaient aussi des transferts d'armes ». « Aucune preuve ne m'a été fournie à l'appui de ces dires », fait observer le Secrétaire général, qui se dit néanmoins préoccupé que ces allégations « montrent que l'autorité de l'État libanais sur l'ensemble de son territoire et son monopole de l'emploi légitime de la force sont loin d'être incontestés et assurés ».
Autre source d'inquiétude : « la menace croissante que représentent pour la présence des Nations Unies au Liban les groupes islamistes extrémistes qui auraient trouvé asile dans des camps de réfugiés palestiniens ». « À la suite du double attentat à la bombe commis contre des autocars le 13 février 2007, les Forces de sécurité interne ont arrêté un certain nombre de membres du groupe Fatah al Islam dont la plupart étaient des Syriens », indique le Secrétaire général.
« De l'avis de fonctionnaires libanais avec qui je me suis entretenu, ce groupe, qui partage l'idéologie d'Al-Qaida, est financé par la milice Fatah-Intifada basée à Damas et composée essentiellement de Syriens et de Palestiniens de résidence syrienne, bien qu'on y trouve aussi des Libanais et des membres d'autres nationalités. Le Fatah al-Islam aurait de 200 à 250 membres et serait dirigé par un Palestinien de Jordanie recherché par la justice au sujet de l'assassinat d'un diplomate des États-Unis à Amman en 2001 », précise Ban Ki-moon. « Le Ministre syrien de l'intérieur a affirmé que le groupe était lié à Al-Qaida et avait des contacts avec l'ancien dirigeant d'Al-Qaida en Mésopotamie, Abou Moussab Al Zarqaoui », ajoute-t-il.
Le rapport souligne par ailleurs un point connexe de la résolution 1559 qui n'a pas été encore mis en oeuvre, à savoir la démarcation de la frontière entre le Liban et la Syrie. « Je réaffirme ma conviction que l'établissement de relations diplomatiques officielles entre la République arabe syrienne et le Liban et la démarcation de la frontière syro-libanaise sont des mesures essentielles pour affirmer le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique du Liban », affirme le rapport.
Source : L'Orient Le Jour